Ephemere, le zine
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 Les Cinq Lunes

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Iluinar
Correcteur d’Ephemere
Iluinar


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MessageSujet: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeJeu 26 Avr - 17:26

Allez, je m'y mets aussi. C'est un vieux texte que j'ai retravaillé récemment mais je me demande si ça vaut vraiment quelque chose.

LES CINQ LUNES


Dans ce monde ci, cinq lunes brillaient dans le ciel. La première, la plus grosse, luisait d'une couleur blanche. C'était aussi la plus rapide. Elle effectuait le tour du ciel en neuf jours. Lorsque les conditions étaient bonnes, on pouvait voir une tache en forme de main à sa surface. Une légende racontait qu'il s'agissait de l'empreinte de la main de Bao, une divinité disparue. On appelait cette lune Bilona.
La deuxième se teintait de jaune. Elle avait pour nom Omona. Plusieurs personnes affirmaient avoir aperçu sur sa face obscure des petites lumières très faibles. Etait-elle habitée ? Qui pouvait répondre ? La troisième était connue comme Kimûa la rouge et son cycle durait trente et un jours. La quatrième se nommait Fèzira et sa couleur était le vert. Quelques vieux sages, ou fou, professaient qu'il s'agissait d'une énorme goutte d'eau. Personne ne pouvait vérifier une telle affirmation. La dernière, enfin, illuminait la nuit d'un rouge plus sombre que Kimûa. Un poète l'avait baptisée Yagna, la plus lente.

***

Dans cet autre monde, il n'existait qu'une seule lune. Elle brillait, blafarde et tachée, au-dessus de Joe. Elle était pleine, ronde comme une femme enceinte. Une vraie lune pour les loups-garous, pensait Joe. Mais les loups-garous n'existaient pas. Des fantaisies de gosse, les loups-garous. Rien à voir avec la réalité.

***

Nailé regardait les lunes, toutes les cinq. Elle était confortablement installée, couchée sur le dos. Elle reposait sur une des larges feuilles de son arbre maison. Le gigantesque végétal la portait à plus de cent fois sa hauteur au-dessus du sol. Elle voyait briller les lunes juste au-dessus de sa tête dans le ciel obscur de la nuit. Elles étaient si proches les unes des autres qu'on aurait pu les prendre toutes d'une seule main. Nailé aurait aimé attraper ces cinq joyaux et s'en faire une bague pour chaque doigt.
Elle avait appris les légendes attachées aux cinq lunes, mais elle connaissait d'autres choses aussi. Il se disait que, lorsque les cinq lunes étaient en conjonction, comme ce soir, les portes entre les mondes pouvaient s'ouvrir. Tout un chacun pouvait alors les franchir et se retrouver ailleurs… On le disait, mais les conjonctions étaient si rares que personne ne se souvenait de la précédente. Cependant, l'idée était fascinante. Et si un voyageur venu d'un autre monde arrivait ici même, justement cette nuit ?

***

Il n'y avait pas d'arbre dans la rue. Seulement des voitures garées et des réverbères. Des pâles copies de la lune, pourtant plus brillantes qu'elle lorsque l'on passait en dessous. Personne ne traînait dehors, normal à cette heure de la nuit. Mais Joe ne voulais pas rencontrer quelqu'un. Il n'avait pas envie de discuter, pas envie de se forcer à sourire et à raconter des boniments. Il marchait dans cette rue déserte sans savoir où il allait. De toutes façons, ça n'avait pas d'importance. Personne ne l'attendait, ni chez lui ni à un quelconque travail. Il se rappela un poème qu'il avait lu, il y a bien longtemps. Il le récita mentalement, comme pour occuper son esprit.

Gagner sa vie.
Gagner sa vie.
Il faut, petit,
Gagner ta vie.
Mais alors dis-moi papy,
Qu'est-ce que cela signifie ?
Qu'il ne suffit pas de naître
Pour avoir le droit de vivre ?

***

Nailé décida de descendre de son arbre. Elle chercha des yeux son ballon. Elle l'aperçut juste au-dessus d'elle. C'était une grosse boule rouge avec une bouche en dessous, un véritable animal. Pour se nourrir, il mordait de temps à autre dans une feuille, y laissant un petit trou circulaire. Le reste du temps, il flottait paisiblement en l'air. Les petits êtres invisibles chargés d'attirer vers le bas tous les corps en chute libre étaient impuissants contre lui.
Nailé attrapa le filet de liane tressée posé sur une branche. Elle le lança sur le ballon de manière à l'envelopper complètement. Tenant toujours fermement les deux poignées cousues aux extrémités du filet, elle sauta hors de sa feuille et se jeta dans le vide. Soutenue par le ballon pris dans le filet au-dessus de sa tête, elle descendit lentement vers le sol, à la vitesse d'une feuille morte.

***

Joe marchait toujours. Il essayait de vider sa tête, de ne plus penser à rien mais toujours, les mêmes pensées, les mêmes soucis venaient tournoyer dans son cerveau comme des feuilles mortes dans les tourbillons du vent d'automne. Comment faire, comment vivre lorsque l'on n'a plus ni famille ni amis ni travail ? Marcher, marcher dans la nuit, c'était la seule chose qui lui restait à faire.
La fatigue lui tomba brusquement dessus. Il allait presque s'endormir debout. Pourtant, quelques instants auparavant il avançait encore d'un bon pas. Que lui arrivait-il ? Il aurait été si simple de se laisser tomber sur le trottoir et de s'abandonner au sommeil qui aurait englouti ses soucis mais il ne pouvait s'y résoudre. Il voulait continuer, marcher encore. Cependant, ses sens le trahissaient. Il n'entendait plus le bruit de ses pas mais une sorte de bourdonnement. Il ne sentait plus ses pieds. Des couleurs étranges avaient remplacé les gris de la ville.

***

Nailé atterrit en douceur sur le sol bleu de la forêt. Elle relâcha aussitôt le ballon qui remonta vers la cime des arbres. Elle se dirigea vers une grande clairière qu'elle connaissait, non loin de son arbre. Là, elle se rendit compte d'une bizarrerie qu'elle ne savait pas définir. Un bourdonnement se laissait entendre et les couleurs semblaient légèrement altérées. Elle percevait une tension dans l'air ambiant. Quelque chose allait se produire, c'était certain.
Un éclair illumina la clairière. Une tache noire apparut fugitivement dans le ciel violet. Brusquement, tout semblait redevenu normal. Mais pas tout à fait. Maintenant, un homme se tenait au milieu de l'espace dégagé. Il était vêtu d'un justaucorps rouge et vert et portait un bonnet à grelots. Nailé le regarda, d'abord intimidée. Il était grand et blond, d'apparence assez ordinaire mais il était différent, sans qu'elle sache exactement pourquoi. Elle se décida à s'approcher. L'autre la vit et lui fit un signe de la main.
Ils se retrouvèrent face à face. Ils se souriaient avec l'air un peu crispé de débutants. Ils essayèrent tous les deux de parler en même temps. Puis ils firent tous les deux silence pour laisser parler l'autre. Ils se souriaient toujours. Enfin, l'homme prononça un mot que Nailé ne le comprit pas. Elle essaya à son tour un "bonjour" mais l'autre haussa les épaules de dépit. Ils ne parlaient pas la même langue ! L'autre haussa à nouveau les épaules, secoua la tête, faisant tinter les clochettes de son chapeau puis disparut dans un nouvel éclair orange.
Nailé resta, un moment, abasourdie au milieu de la clairière. Elle pivota sur elle-même et scruta dans toutes les directions. Cependant, l'inconnu au chapeau à clochettes n'était visible nulle part. Elle se prit à douter. Avait-elle bien vu cette scène ? N'avait-elle pas été victime d'une illusion ? Elle avait tant souhaité voir arriver un voyageur qu'elle avait pris son rêve pour la réalité. De dépit, elle s'assit dans l'herbe et regarda les lunes. Elles étaient toujours là, toutes les cinq ensemble. La conjonction, elle, était bien une réalité. Nailé prit sa tête dans ses mains et se mit à pleurer.

***

De biens étranges souvenirs avaient pris place dans l'esprit de Joe. Ils avaient la consistance du réel mais paraissaient tellement absurdes. S'était-il vraiment un jour coiffé de ce ridicule chapeau à grelots ? Avait-il réellement vu cette femme, cette petite brunette avec son air timide ? Elle lui avait sourit, c'était peu de choses et pourtant c'était énorme. Elle avait pris toute la place dans ses pensées. Il voyait son visage aussi nettement que si elle était réellement là, devant lui.
Il entendait maintenant du bruit autour de lui. Ses pas l'avaient mené vers le marché. A cette heure matinale les commerçants étaient déjà en train de s'installer. Les étals se montaient, les marchandises sortaient des camions dans la lumière crue des projecteurs.
En passant devant le stock d'un primeur, Joe se rappela qu'il avait faim. Il n'avait pas mangé depuis si longtemps. Aussi discrètement qu'il le put, il se rapprocha et attrapa un panier. Il partit promptement sans s'être fait remarquer par le commerçant. Il s'éloigna de deux rues avant d'oser regarder son butin, des cerises.
Joe pensa à la fille. Comme il aurait été bon de les partager avec elle. Il s'assit sous un porche pour profiter de son repas. A ce moment là, le mystérieux engourdissement le reprit.

***

Elle ne pouvait dire combien de temps elle était restée prostrée. Mais le son des clochettes l'avait tirée de sa torpeur. Elle leva les yeux et vit le mystérieux inconnu penché au-dessus d'elle. Elle sentit son cœur bondir dans sa poitrine et un flot de bonheur se déversa en elle. Il était revenu !
Il tenait un panier à la main. Toujours souriant, il lui tendit. Elle lui rendit son sourire et accepta le cadeau. Elle regarda dans le panier et vit qu'il était rempli de petites boules rouges. Elles étaient grosses comme la phalange du pouce et de couleur rouge foncé. Une tige verte, longue comme le doigt, y était fixée. Nailé pensa à des fruits mais elle n'en était pas sure. Elle n'en avait jamais vu de cette couleur, de ce rouge sombre qui semblait si tentant. Etait-ce bon à manger ? Etait-ce destiné à un autre usage ? Si elle se trompait, le mystérieux inconnu en serait sans doute fâché. Que faire dans ce cas ? Que cette situation était gênante !
Devinant son trouble, l'inconnu hocha plusieurs fois la tête, faisant tinter ses clochettes. Puis il s'empara d'une petite boule rouge. Il la mit dans sa bouche et tira un coup sec sur la queue. Celle-ci se détacha et il la jeta au loin. Ensuite, il mâcha longuement. Puis il se tourna vers l'arbre le plus proche et souffla violemment. Quelque chose jaillit de sa bouche et vint ricocher contre le bois. Nailé se pencha pour regarder l'objet par terre. Il s'agissait d'un petit noyau dur. Ces choses étaient donc bien des fruits, comestibles en plus. Nailé en prit un et le porta à sa bouche. Elle le mordit avec hésitation. Quel goût ! C'était véritablement délicieux. Ce qu'elle connaissait de plus proche était le Puki, un fruit rond et jaune parmi les plus goûteux de la forêt. Mais ceux-ci étaient différents. Elle les trouva encore meilleurs que les Puki, dont pourtant elle raffolait. C'était sans doute l'effet de la nouveauté.
Nailé et l'inconnu se retrouvèrent assis l'un à côté de l'autre contre le large tronc d'un gigantesque arbre maison. Tout en mangeant goulûment des petits fruits rouges, ils jouèrent à lancer les noyaux le plus loin possible.
Mais bientôt, l'inconnu se leva. Il se dirigea vers la clairière, dans la lumière des cinq lunes. Il y eut encore le même éclair orange et l'inconnu disparut à nouveau. Cette fois, Nailé était moins inquiète. Elle savait qu'il pouvait revenir.

***
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Iluinar
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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeJeu 26 Avr - 17:27

La suite...

Joe avait à nouveau rêvé de la fille inconnue. Il appelait cette sensation un rêve, faute de mieux, mais il sentait bien que c'était différent. Ces souvenirs avaient trop le goût de la réalité. Il savait que maintenant, il passerait le restant de sa vie à la chercher. Mais par où commencer ? Il n'avait aucune explication à ce curieux phénomène, seulement la certitude que ça recommencerait et qu'il la reverrait.
En attendant, il était à nouveau dans cette ville crasseuse, marchant au milieu des papiers gras et respirant les gaz d'échappement des voitures de plus en plus nombreuses à mesure que l'aube pointait. Une aube bien triste et jaunâtre. Il pensa à d'autres vers. Un poème intitulé "La Ville".

Fleur de béton et d'acier,
Qu'as-tu fait de ta beauté ?

Ses pas le ramenèrent vers le marché qui continuait de s'installer. Il avait envie de trouver un cadeau pour sa nouvelle amie. Il avait tellement aimé l'expression de joie qu'avait revêtu son visage lorsqu'il lui avait donné le panier de cerises. Il voulait à tout prix revoir ce sourire.
Il était devant l'étal d'un pépiniériste. Devant lui s'étendait une collection de barquettes en plastique noir garnies de plantes à l'aspect chétif. Dans son souvenir, le paysage qui les entourait lorsqu'il était avec la petite brune, était une vaste forêt aux arbres gigantesques. Mais aucune plante ne lui était familière. Tout était profondément étrange et différent.
Il avisa une rangée de fraisiers. Ça n'existait certainement pas dans cet autre monde. Voilà une belle idée de cadeau. Mais il y avait maintenant trop de gens autour pour dérober discrètement une barquette. Il fouilla le fond de ses poches et trouva quelques pièces. En payant, il se dit qu'il aurait mieux fait de garder cet argent pour un achat plus utile. Mais cette pensée ne le tracassa pas longtemps.

***

A la grande joie de Nailé, l'inconnu revint un peu plus tard. Cette fois, il apportait une curieuse petite plante. Elle avait des feuilles ovales légèrement dentelées et portait de petits fruits rouges. Contrairement aux précédents qui étaient ronds et réguliers, ceux-ci étaient allongés et couverts de minuscules grains. Il en détacha un et lui fit goûter. C'était, encore une fois, délicieux. Nailé aurait aimé manger tous les fruits mais il la retint. Il lui désigna la plante puis la terre. Elle comprit ce qu'il voulait. Ensemble, ils creusèrent un petit trou et y installèrent le végétal. Ensuite, il lui fit comprendre par gestes qu'il fallait arroser la plante. Elle lui fit signe de la suivre. Le tenant par la main, elle l'emmena vers un petit ruisseau non loin de là. Elle cueillit une large feuille ronde sur un arbre qui se penchait au-dessus de l'eau. Elle la plia à sa manière et en fit une sorte de coupe. Elle l'emplit à la rivière. Grâce à ce récipient, ils purent ramener de l'eau et contenter leur plantation.
Ils s'assirent l'un à côté de l'autre contre un arbre, en face de leur plante. Bientôt, il leur fut possible de s'échanger quelques mots. Elle lui enseigna d'abord les plus faciles, pènta qui veut dire arbre, et encore vätin pour fleur ou lad pour tête. Puis elle essaya de lui inculquer quelques rudiments de grammaire. Tout cela permettait de construire une première phrase. Désignant une étoile dans le ciel, Nailé dit, lentement et en articulant bien:
— losèd sila aède.
Cette phrase signifiait "une étoile brille dans le ciel". Bien sûr, ce n'était qu'un début. Il lui faudrait apprendre encore tant de choses avant de pouvoir parler à son tour. Mais ceci viendrait en temps utile.
Elle pensa qu'elle devait aussi lui faire un cadeau. Il lui avait déjà offert des fruits et une plante. Elle réfléchit longuement pour trouver une idée. En définitive, ce fut l'idée qui la trouva. Alors qu'elle s'interrogeait, assise contre son arbre, un de ces animaux appelés Tibida entreprit l'ascension de sa jambe. C'était une petite bête, grosse comme une main et couverte de poils soyeux. Ses longues et fines pattes se terminaient par des coussinets duveteux et une tête en forme de cœur était posée au bout de son long cou. C'était un animal intelligent et familier, pourvu qu'on satisfasse sa gourmandise envers les fruits et les baies. Nailé attrapa délicatement le Tibida, le caressa pour le rassurer et le tendit à son compagnon. Elle essaya de lui faire comprendre qu'il s'agissait d'un cadeau.
Il sembla très intéressé par l'animal. Rapidement, il réussit à s'en faire un ami grâce aux caresses qu'il lui prodiguait sans avarice. Bientôt, le Tibida vint se lover dans son cou pour s'endormir, signe qu'il était parfaitement en confiance.

***

Joe émergea une nouvelle fois de son étrange rêverie. Il était assis par terre, sous un porche. Le jour s'était levé mais un brouillard épais masquait le soleil. Comme d'habitude, pensa Joe.
Il avait toujours des souvenirs de ce monde merveilleux dans la tête. Mais non, se disait-il, ce n'est que du rêve. Inutile de se faire mal avec cette nostalgie d'un pays imaginaire. La réalité, la sordide réalité était bien là et il fallait s'en accommoder car c'était la seule vérité. C'était dans ce monde là que Joe devait survivre.
Soudain, il sentit un mouvement dans son cou. Un animal se promenait sur lui ! Un rat ou autre chose de plus dégoûtant encore ! Joe se leva d'un bond réflexe et se secoua énergiquement pour chasser l'intrus.
Une petite bête, pas plus grosse qu'une main, s'enfuit sur ses longues et fines pattes. Joe eut juste le temps de voir sa petite tête en forme de cœur avant que l'animal ne disparaisse par une ouverture sous une palissade. Joe essaya de l'appeler de sa voix la plus douce mais en vain.
— Pauvre bête, se dit-il. J'espère qu'il survivra.
Cette bête, ce Tibida, comme l'avait appelé Nailé, aurait pu être la preuve irréfutable que cet autre monde existait bien, mais voilà, il avait disparu à son tour. Il n'était plus maintenant, lui aussi, qu'un souvenir.

***

L'inconnu s'était à nouveau volatilisé. Nailé s'était habituée à ces disparitions soudaines et à ces réapparitions tout aussi inexplicables mais elle ressentait toujours une légère angoisse. Et s'il ne revenait pas ! Cette fois, le temps lui semblait long. Etait-il déjà resté absent aussi longtemps ? Difficile à dire. Ici, pour mesurer l'écoulement du temps, on lisait le mouvement des astres.
Nailé leva la tête pour regarder la position des cinq lunes dans le ciel. Elles étaient nettement moins proches les unes des autres. Bilona, la plus rapide, s'était déjà éloignée sensiblement et Omona la jaune semblait déjà dire au revoir à ses sœurs. A n'en pas douter la conjonction était terminée.
Les conclusions claquèrent dans l'esprit de Nailé comme une gifle. Les portes entre les mondes s'étaient refermées et son ami était resté de l'autre côté. C'était la pire de toutes les séparations car elle ne savait pas où il était. Elle l'avait eu si peu de temps avec elle, juste assez pour se rendre compte à quel point il allait lui manquer. Et tout ce qu'elle pourrait garder c'était cette petite plante aux feuilles dentelées qu'ils avaient plantée ensembles. Nailé s'adossa à un arbre et enfouit son visage entre ses mains. Les larmes lui vinrent comme un torrent irrépressible.
Mais cela ne pouvait pas être. Elle ne pouvait pas accepter cette situation. C'était comme si tout son corps se révoltait contre cette injustice. Non, il existait sûrement une solution et elle la trouverait.
Elle partit chercher conseil auprès des anciens et des sages. Elle questionna les vieux magiciens du peuple de son père. Elle alla même demander audience à la reine de la forêt. Les vieux magiciens lui apprirent des tas de choses sur le monde et les dieux, et sur l'Enfant qui les avait tous créés. Mais les conjonctions des lunes, c'était autre chose. Elles ouvraient les portes avec d'autres univers, où régnaient d'autres dieux et d'autres lois. Impossible d'en savoir quoi que ce soit. Et les conjonctions de lunes étaient si rares que personne ne se rappelait la précédente.
La reine de la forêt en savait un peu plus car elles était d'une race immortelles et on disait qu'elle n'était pas de ce monde. Elle avait vu d'autres conjonctions et d'autres voyageurs apparaître, ou des habitants d'ici partir vers l'inconnu. Mais tout cela n'était d'aucune aide pour Nailé. Les autres mondes étaient innombrables et tous différents. Comment savoir duquel venait son ami ? Et même si elle l'avait su, qu'aurait-elle pu faire ?
L'idée de l'existence d'autres univers enflammait son imagination. Elle essayait de concevoir le monde dans lequel vivait son ami. Elle le voyait comme une autre forêt, mais avec des plantes différentes. Peut-être que le ciel était différent, lui aussi. D'une autre couleur, pourquoi pas bleu ?

Plusieurs jours après la fin de la conjonction, alors que Nailé dormait profondément, elle fut emportée par un étrange rêve. Elle planait dans un ciel grisâtre, au milieu de fumées aux odeurs acides. Au-dessous d'elle s'étendait une vaste ville sans couleur. Au lieu d'être perchées sur des arbres, les habitations étaient entassées à même le sol. Elles étaient séparées par des bandes grises sur lesquelles couraient de gros insectes bruyants et nauséabonds. Alors qu'elle s'approchait, elle vit des gens qui marchaient d'un pas rapide, la tête courbée. Ils se croisaient sans cesse, mais aucun d'eux ne se saluait ni se parlait. Malgré leur nombre, ils semblaient tous se déplacer entourés de leur bulle de solitude.
Enfin, elle le vit. Il ne portait plus son costume rouge et vert ni son chapeau à grelots. Il était habillé de gris, comme tous les autres. Contrairement aux autres, lui regardait le ciel. Il la voyait, à n'en pas douter. Sa bouche s'ouvrait, comme s'il lui parlait. Il l'appelait, elle en était certaine. Elle tenta de se rapprocher de lui, mais l'air semblait devenir brusquement plus épais. Il opposait de plus en plus de résistance à ses mouvements et, en même temps, obscurcissait sa vue et son ouïe. Bientôt, elle ne vit et n'entendit plus rien. Brusquement, elle se réveilla et se retrouva, seule, sur la feuille qui lui servait de lit.

C'était donc ça, son monde ! Sans aucun doute, il n'y était pas heureux. Comment le rejoindre, ou mieux, le faire venir ici ? Mais ce que ne savaient ni les sages du peuple de son père ni la reine de la forêt, c'est qu'il existait un autre moyen pour voyager entre les mondes. Nailé s'en doutait car elle avait pu, ainsi, avoir un aperçu de cet autre monde en rêve.
Cependant, ce n'était pas simple. Il lui fallut pour cela plusieurs jours et plusieurs nuits d'efforts. Pendant tout ce temps, elle ne mangeait plus, ne dormait plus, ne parlait même plus. Ses amis s'en inquiétèrent mais rien ne pouvait la sortir de cette sorte de transe dans laquelle elle était tombée.
Enfin, elle réussit et, un beau matin, Joe pénétra enfin définitivement dans ce monde où il avait tant rêvé de vivre. Nailé et lui se retrouvèrent et firent vœu de ne plus jamais se séparer.

***

Dans un autre monde, le propriétaire d'un appartement s'inquiéta un jour de ne plus percevoir de loyer. Il se rendit sur place pour constater que son locataire n'était pas rentré chez lui depuis fort longtemps. Pourtant, ses quelques affaires étaient toujours là. Il prévint la police et une enquête fut ouverte. Elle fut bien vite refermée car aucune trace du dénommé Joe ne fut retrouvée. Ce fut là tout le remous que causa sa disparition.
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Tatooa

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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeVen 27 Avr - 14:35

Je trouve l'idée géniale.
Par contre la fin est beaucoup trop rapide !
On reste sur sa faim. Il faudrait développer comment elle le fait revenir.
ça ferait une nouvelle sympa je pense ! Wink
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Ephémère
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Ephémère


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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeVen 27 Avr - 19:42

Là pareil, je lirai plus tard. Je n'a pas assez de temps.
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Iluinar
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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeVen 4 Mai - 16:02

Pas d'autres avis?
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Ephémère
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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitimeVen 4 Mai - 18:39

Je ne pourrai le lire qu'à partir de la semaine prochaine... Un peu surchargé en ce moment Crying or Very sad
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MessageSujet: Re: Les Cinq Lunes   Les Cinq Lunes Icon_minitime

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